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« Aïcha Snoussi. Nous étions mille sous la table »,
Palais de Tokyo,
15.04 - 04.09.2022

AÏCHA SNOUSSI NOUS ÉTIONS MILLE SOUS LA TABLE Laureate of the Sam prize for Contemporary A

La fête est finie. Ou bien elle commence. Elle attend ses invité·e·s, ou bien autre chose. La salle est vide et pleine en même temps : de sons et de lumières, de présences invisibles et passées, ou encore à venir. La fête est un moment de suspension, où l’on flotte entre les mondes et les histoires, où l’on cultive l’oubli et où l’on célèbre les mémoires. Ici, celle d’Abdel Halim Hafez, dont le visage s’affiche, souriant, sur les posters gravés par Aïcha Snoussi et placardés sur les murs ; celle du Plug, ce bar de Tunis excavé de la mémoire de l’artiste et rapporté comme un trophée jusqu’au Palais de Tokyo ; celle, encore, de la civilisation fantôme que le club a longtemps abritée…

Une table de billard au beau milieu de la piste a fait corps avec un arbre majestueux qui a poussé au travers d’elle. Le monstre s’est installé entre deux pôles : sur le mur, à côté, reposent mollement des queues de billard, pour faire s’entrechoquer des boules imaginaires ; dans l’entrejambe des branches, des perles de nacre ont poussé, remplaçant la mousse que l’on aurait trouvée dans un bois.

Entre la forêt et l’océan, un peu sous l’eau et sous la terre en même temps, entre les sexes, le passé et le futur, l’orgie s’est déployée et continue de vibrer. La fête est désolée mais pas sinistre pour autant. La fête est en tension, et sa musique se répercute en échos aussi sourds que prometteurs dans la salle de béton. Crescendo, elle se fait grave, fait monter le BPM et l’attente, jusqu’au seuil de l’implosion.

Peut-être toute cette installation est-elle en vérité un jeu, à prendre au pied de la lettre. Peut-être en entrant dans la pièce avons-nous interrompu une soirée mousse ou une partie de cache-cache à laquelle ni nos yeux ni nos corps n’étaient encore prêts. À l’approche de nos pas, les « mille » invité·e·s du nom de la soirée se seraient réfugié·e·s « sous la table » qui trône en son centre. D’une trappe discrète dans le coin du mur auquel mène la seule volée de marches de l’espace, s’échappent des rais de lumières bleus puis verts, en rythme avec la musique. Peut-être, derrière, se cache le cœur de la fête. Peut-être toute cette installation n’est-elle que le before d’une soirée qu’il nous faut trouver et d’une quête qu’il nous faut prolonger.  

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