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Chalisée Naamani,
J't'oublierai vite, j'te l'jure

Au milieu des fleurs et des cœurs, des chaînes en or et des cintres de costumes, derrière les rideaux Tati et au-dessus d’un tapis signé (presque) Comme des Garçons, se déploie l’univers cosmopolite de Chalisée Naamani, à la fois virtuel et réel, onirique et authentique, 100% bling-bling assuré.

S’y côtoient en se marchant dessus, mais sans se déranger pour autant, les histoires et les pays, les références et les hashtags, un peu de neuf, un peu de vieux, un peu de bleu – heureuse, la dernière arrivée de la galerie Ciaccia Levi. Son univers est un flux de mots-clés-dièses et de toplines mis en patchworks d’images dans lesquels l’artiste invite à naviguer. Qui se risque à y plonger entreverra peut-être des morceaux de fables personnelles ou familiales, intimes ou collectives, et tout à la fois. Qui marchera sur le tapis sera reçu avec majesté, accueilli dans l’espace comme dans un chez-soi aux allures de boutique de souvenirs d’ici et d’ailleurs, et de partout en même temps. Qui entre est encouragé à s’installer, tout en restant, un peu quand même, sur le départ. La première artiste française de la galerie est aussi iranienne, et elle connaît bien son Hafez, qui, à longueur de vers, ne se lasse de louer les plaisirs du vin, du jardin et des bons amis. À qui fait sienne sa proposition de franchir le seuil de sa boutique sera offerte l’agréable compagnie des fleurs et des récits sensibles de l’artiste, sa manière d’écouter le bruissement du monde et ses suggestions de navigation en son sein. L’exposition est en vérité une invitation au voyage.
De Téhéran à Los Angeles, en passant par Paris, valises, sacs et housses de vêtements activent la déambulation en songe et en souvenir, les cheminements et les allers-retours. Tout s’imbrique et s’implique, éternel retour ou recommencement, sans cesse augmenté par les yeux qui regardent, les mains qui se saisissent, les voix qui narrent ou qui sont rapportées.
La housse Pierre Cardin appartenait au grand-père de l’artiste, qui l’a achetée à Paris, ramenée à Téhéran, d’où elle fut rapportée en France par sa fille, et où elle a été travestie et augmentée d’une jupe flamenco par les mains de sa petite-fille. L’armure médiévale à l’imposante coque rappelle que le goût du volume en matière de corps ne saurait être réduit à quelque genre, époque ou partie du corps que ce soit. S’il en dépasse des gants de boxe en tartan, c’est que le combat sera poétique et esthétique pour mettre en forme l’Histoire, et lier à celle que l’on écrit avec une majuscule ses propres récits personnels. Hommage et pied-de-nez, le travestissement est un commentaire de l’Histoire et une tentative de prise sur elle. Une manière de déboulonner les héros, de tout sexe et de toute époque, et de lier les chapitres par des fils conducteurs que Chalisée Naamani veut en forme de cœur et d’emblèmes, des symboles qui traversent les âges, les cultures et les frontières.

Les œuvres hybrides de l’artiste dessinent les contours d’un univers liquide, aux contours insaisissables, dans lequel des noms de villes ou des répliques de monuments suf fisent à faire naître des images et opérer des déplacements. Les sculptures, installations et papiers-peints de Chalisée Naamani sont en fait des collages, venus prouver que la source à laquelle ont puisé les dadaïstes, surréalistes, af fichistes, et autres mouvements en -istes du début du siècle est loin d’être tarie pour alimenter le médium. Elle est toujours ici nourrie par les marques et la publicité – fétiches de nos temps passés, présent et à venir –, là par l’environnement qui l’entoure – le tapis est un miroir du plafond historique de la galerie, qui, une fois révélé par des travaux de modernisation, ont dévoilé de délicates moulures florales –, mais aussi par des flux dont les avant-gardes pré-Internet n’auraient pas même osé rêver.

Instagram et son iPhone sont des puits intarissables dans lesquels Chalisée Naamani pêche des figures tantôt iconiques tantôt intimes, qu’elle allie, pêle-mêle, dans une effervescence parfaitement maîtrisée. Sur le papier peint se retrouvent ses lectures, et parfois son re flet, ceux des lieux et des symboles qui composent son monde, lui-même fragment d’un macrocosme numérico-virtuel dans lequel le flux n’est jamais tout-à-fait maîtrisé, mais où il fait bon vivre quand l’on parvient à y créer du lien.

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