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Younès Rahmoun,
« Madad »

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Mars 2022

Compte-rendu de l'exposition personnelle de l'artiste à la galerie Imane Farès, Paris, 02/2022 - 23/04/2022


Publié sur le site de Diptyk Magazine
Diffracter pour élever

Il y a une coïncidence entre les cheminements artistique, personnel et spirituel de Younès Rahmoun, que scandent dans leur progression les différentes productions et expositions de l’artiste. La quatrième exposition personnelle que lui consacre la galerie Imane Farès marque ainsi une nouvelle étape de la quête de pureté qu’il poursuit depuis des années.

Elle se manifeste par l’utilisation de matériaux jusqu’alors inédits dans sa pratique et une épure des formes haute en couleurs et en lumière. Le spectre primaire est ainsi convoqué dans une série de sept dessins de maisons aux formes géométriques sur fonds colorés (Tayf-Lawn) et dans Madad-Tayf, magistrale œuvre de 77 pièces de verre teinté et soufflé, enfilées le long des branches d’une structure en acier inoxydable. L’installation manifeste l’alliage de notions à entendre, comme souvent chez Rahmoun, dans toute leur polysémie. Ici la lumière – mystique et physique – et le souffle – l’inspiration et l’expiration nécessaires à la confection technique de l’œuvre autant qu’à la pieuse méditation.

Les sept couleurs primaires servent le fond et la forme de ces deux ensembles, qui visent, semble-t-il, à mettre en forme les multiples variations dans lesquelles peuvent s’incarner des archétypes : les idées même de maison ou de respiration. Les angles, les courbes et les volumes des dessins schématiques et des bulles de verre sont ainsi associés à la couleur dans sa forme la plus pure : les sept d’un prisme à partir duquel faire toutes les autres, ensemble contenues dans le rayon de lumière pure et révélées une fois celui-ci diffracté par un prisme. Tout est un, un est tout, mais il faudra plisser les yeux et cheminer tranquillement pour faire sienne cette conclusion.

Le parcours composé par Rahmoun est une métaphore des étapes à traverser pour atteindre et installer, partout, son lieu à soi. Inspirer, expirer, du dedans vers le dehors, et vice-versa. Les allers-retours et les tensions y sont constantes, qui permettent de gravir les différents échelons de la foi et d’une quête toute personnelle. Comme de cette Manzil-Maqâm à trois niveaux – miroirs des échelons vers la pleine conscience, ou des sept plis que l’on devine dans la cape de laine et de sequins dorés suspendue dans le couloir de la galerie (Rida-Sof-Dahab).

Des Manzil de résine transparente sont disséminées sur des plateaux de cuivre artisanaux, en haut d’un mur (Manzil-Fatîl) ou au centre d’une projection hypnotique en sous-sol (Nôr-Manzil-Nôr). En elles, sous le toit, brillent tantôt une flamme, tantôt les reflets métalliques des plateaux qui leur servent de support, allégories d’une montagne (Manzil-Jabel) ou d’un bassin (Manzil-Hawd). Le parcours diffracte et dissémine la lumière à travers les vides et les pleins, les pauses et les chemins, que l’artiste ménage pour mieux atteindre une élévation des cœurs et des âmes.

Convoquer la pureté des formes et du spectre visible revient alors à formuler une possibilité d’ancrage, au sein des angles qui nous entourent et parmi cette couleur impossible à révoquer en doute, plus infime marqueur du réel selon Descartes. Elle apparaît ici comme une base solide depuis laquelle propager ensuite cette lumière spirituelle qui éclaire de l’intérieur qui accepte de fermer les yeux pour la recevoir. Et les cailloux, les maisons et les couleurs de Younès Rahmoun de montrer un chemin possible pour y accéder.

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